L’art devenu l’auxiliaire d’une réconciliation entre la science et la spiritualité
Genesis: nom latin d’origine grecque signifiant naissance, création, engendrement, production d’une œuvre de l’esprit
DANS CET UNIVERS ORPHELIN DE PAROLE
QUI S’ÉTEND DE LA POUSSIÈRE TERRESTRE
AUX CONFINS STELLAIRES
JE PRENDS PLACE
LES YEUX OUVERTS EMPLIS D’UN CHANT
SANS SONORITÉ.
Rabindranath Tagore
Préambule
La trilogie Genesis représente un ouvrage dont la réalisation aura nécessité une vingtaine d’années. Elle est le résultat d’une réflexion, par l’image, sur la nature profonde de la réalité. Elle comprend trois volets, chaque volet ayant fait l’objet d’une exposition en galerie.
Aujourd’hui, lorsque j’effectue un retour sur Genesis I, II et III je distingue un fil conducteur qui traverse l’ensemble, une affirmation que je me permets de nommer une vérité, accompagnée de sa corollaire à savoir qu’à la base de l’existence, tout n’est qu’Unité et que toute manifestation possédant un caractère particulier est la conséquence de mes propres conditionnements où s’affirme le mode de fonctionnement de ma pensée.
La vie s’épanouie à la frontière où l’Unité et la diversité cherchent à se réconcilier. Sur ce seuil liminal, mon existence prend tout son sens puisqu’il m’appartient à moi d’opérer cette réconciliation.
Une telle réflexion n’est pas nouvelle et elle n’est pas récente mais sa mise en image m’apparaît originale. Pourquoi mettre en image? D’abord et avant tout parce que je suis un artiste visuel et que cela me permet de réfléchir tout haut à l’aide d’images. Ensuite parce que l’image me permet de concevoir et de communiquer une réalité qui me dépasse et qui me serait autrement inaccessible. Et parce que je crois que la réalisation d’une image peut valider la présence d’un processus de la pensée, à la manière d’un dessin bien proportionné qui confirme le sens des bonnes proportions chez son créateur.
Cette réflexion sur une vérité primordiale est abordée dans Genesis I du point de vue de la science empirique, dans Genesis II celui de l’intuition poétique et dans Genesis III celui de la spiritualité orientale.
Dans Genesis I le scientifique quantique exprime cette vérité lorsqu’il décrit la réalité première de la matière comme une entité ne présentant pas de limitations : un seul espace dynamique formant la base de l’existence. Tout se construit à partir de cet espace unique, comme l’explique le physicien J.A.Wheeler. Le fractionnement de la réalité quant à lui est le résultat bien involontaire de la méthode scientifique qui n’aborde l’analyse de la matière qu’en segments bien circonscrits et de la fâcheuse habitude de notre esprit de prendre ces subdivisions pour des réalités, ce que déplore le physicien David Bohm. La science nous parle de la connaissance qu’elle possède de la réalité et non de la réalité en elle-même.
Dans Genesis II le poète, quant à lui, se surprend à capter un moment d’intuition profonde, un élan d’émerveillement qui lie l’âme à la présence de la nature qui l’entoure. Une correspondance entre le dehors et le dedans des choses. Que ce soit le scientifique au sortir de son laboratoire, le poète, le philosophe ou chacun de nous dans un moment de grâce, tous ont éprouvé cette sensation unique d’être liés à l’ensemble de l’univers. Quant à la diversité des apparences, elle meuble notre quotidien, et comme le dit le philosophe Nicolas Berdiaeff, il est dans la nature de la personne de s’affirmer par la créativité de son esprit. Et la création est justement le processus par lequel le particulier se détache de l’Unité.
Dans Genesis III, le mystique oriental réalise cette unité autour de la notion de conscience. Ayant scruté les méandres de l’espace intérieur, les sages de l’Orient sont parvenus à une formulation déroutante par sa simplicité mais engageante par sa profondeur : Cela. Je suis Cela. Seule l’Unité existe. Quant à cet univers de manifestations, ce foisonnement d’apparences, il n’est que cette même Unité sous une autre forme révélée. Comme un bouquet de fleurs ne tenant son existence que grâce aux fleurs qui le composent, si je retire cette pléthore de manifestations de ma conscience, il ne reste plus que ce que Ramana Maharshi nomme…le Silence. Au plus profond de mon être, je suis ce Silence.
Ne mesure pas avec des mots
La profondeur du Silence
N’évalue pas avec des mots
Le contenu du Silence
Ne juge pas avec des mots
La qualité du Silence
La parole est l’ombre
Du Silence
Vimala Thakar